Réingénierie des diplômes dans le champ du sport et de l’animation –
Mise à jour au 7 juillet 2023
Lors du Grenelle de l’emploi et des métiers du sport réuni ce 5 juin, la ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, a annoncé le report de l’enregistrement des diplômes du champ du sport et de l’animation pour fin 2025 (initialement prévu le 1er janvier 2024). Tous les diplômes seront prolongés au RNCP.
Les travaux de réécriture en blocs de compétences des 3 BPJEPS préfigurateurs sont donc gelés (Animation – en remplacement des 5 mentions existantes, Multi-activités physiques ou sportives et Activités équestres). En revanche, de nouveaux travaux vont être lancés dès maintenant pour identifier des référentiels métiers.
A ce stade, nous souhaitons que les acteurs de l’éducation populaire soient associés à la (re)construction des diplômes. C’est un enjeu de crédibilité pour ces futurs diplômes et la méthode employée pour les construire se doit d’être en cohérence avec leur contenu. On ne peut pas exiger des démarches participatives de la part des professionnels en faisant l’inverse pour produire les référentiels qui encadrent leurs métiers.
Nous souhaitons également que cette mission, si cruciale (et ce d’autant plus quand on sait la courte histoire de la professionnalisation des métiers de l’animation, qui s’est beaucoup appuyée sur la filière Jeunesse et Sports) soit portée pleinement par le ministère certificateur, sans la déléguer à un cabinet extérieur. L’expertise d’ingénierie de compétences existe en son sein, nous en sommes convaincus et il en va également de sa crédibilité de certificateur.
Enfin, nous souhaitons que les enjeux de ce travail soient clairement identifiés et rendus transparents : s’agit-il de répondre à une logique de flexibilité des travailleurs sur le marché, en créant des diplômes généralistes, ou à une logique de besoins en métiers et en compétences pour le champ professionnel ? La réalité des métiers
aujourd’hui démontre largement que le même métier d’animateur répond à des finalités différentes selon les contextes d’exercice. Tous ces enjeux de société que sont l’inclusion, l’émancipation par la culture, la transition écologique, … ne peuvent pas être mis au travail de la même manière par les professionnels de l’éducation populaire. C’est là qu’était tout l’intérêt et la pertinence des spécialités et mentions, qu’il faut à tout prix préserver d’une manière ou d’une autre, quand bien même les exigences de certification changent.
Aujourd’hui, la mobilisation continue pour faire entendre le message des acteurs de l’éducation populaire et que cette réingénierie ne se fasse pas sans nous. Continuons donc de diffuser ce message !
Version à mai 2023
Ceci n’est pas une bouteille à la mer, mais une alerte !
Printemps 2023 – Trajectoire Formation, organisme de formation qui prépare aux métiers de l’animation et de l’éducation populaire, lance l’alerte. Tentative offensive de mobilisation par refus de subir les conséquences de réformes qui provoquent notre épuisement, notre colère et notre inquiétude.
Le déclencheur
Un mail lapidaire de la DRAJES (Délégation Régionale Académique à la Jeunesse, à l’Engagement et au Sport) qui nous annonce la fin des diplômes de l’ensemble de la filière animation sous leur forme actuelle en décembre 2023. La donne est claire : il nous faut repenser tous les niveaux de diplômes en moins d’un an, sans quoi nous ne pourrions ouvrir de nouvelles promotions en 2024. En pièce jointe de ce message, le cahier des charges de la mission confiée à un cabinet pour accompagner la réingénierie du BPJEPS.
Rembobinons pour nous remettre dans le contexte
La loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a initié une véritable révolution dans la politique publique française de formation. Les transformations qu’elle porte sont profondes et ont notamment touché :
- la gouvernance, le pilotage et la régulation (création de France Compétence et des Opérateurs de Compétences),
- l’obligation, pour être organisme de formation professionnelle habilité, d’obtenir une certification qualité (Qualiopi),
- les droits individuels, permettant à chacun de construire son parcours (Compte Personnel de Formation),
- la logique de l’accompagnement des parcours (création des Conseillers en Evolution Professionnelle),
- une place renforcée de l’alternance (mesures encourageant l’apprentissage, actions de formation en situation de travail),
- la transformation des architectures de formation pour favoriser la modularité (passage d’unités en blocs de compétences).
Ce qui suscite notre indignation : une rénovation des diplômes…
… conduite avec une méthode centralisatrice et descendante : collectivités locales, secteur professionnel et organismes de formation n’ont été ni concertés ni associés ;
… qui supprime un niveau intermédiaire de coordination d’équipes et de projets (DEJEPS) ;
… trop généraliste pour ne pas déprécier les métiers de l’animation.
L’alerte concerne 3 types d’acteurs clefs :
La réforme de la formation professionnelle de 2018 impacte aujourd’hui les diplômes de l’animation, de l’éducation populaire et des sports. La fin de la filière telle que nous la connaissons est annoncée et, à travers elle, c’est la professionnalisation de l’animation qui est menacée. Des organismes de formation et des structures d’éducation populaire souhaitent alerter les élus locaux sur les conséquences de cette réforme .
Qualité de présence humaine et liens avec la population
Les professionnels de l’éducation populaire assurent une présence humaine et des liens avec la population qui sont essentiels. Ils animent des espaces dans lesquels les habitants peuvent s’informer, se cultiver, pratiquer des loisirs, participer à des projets. Ils assurent une précieuse mission de service aux publics (accueils périscolaires, aide aux devoirs, accueils de loisirs, soutien à la parentalité, éducation à la citoyenneté).
Les mouvements d’éducation populaire œuvrent depuis longtemps pour qualifier ces professionnels. Car être en lien quotidien avec les habitants suppose des compétences : savoir accueillir des parents qui confient leur enfant pour la première fois ; informer le public sur ses droits ; rendre accessibles des animations à des personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap ; apprendre à des enfants ou des adolescents à vivre ensemble...
Nos concitoyens expriment leurs craintes que les services de proximité disparaissent et que les lieux d’accueil physiques soient remplacés par des interfaces numériques... Nous avons besoin d’attirer des professionnels motivés et formés pour assurer cette présence quotidienne qui contribue à la qualité de vie. Ils ne sauraient être réduits à des agents polyvalents de service à la population.
Cohésion et dynamique d’un territoire
Vivre ensemble n’est pas qu’un slogan. Pour y parvenir, nous avons besoin de lieux de proximité dans lesquels les habitants peuvent se rencontrer, se cotoyer, se découvrir, partager. Qui porte et anime ces lieux ? Des collectivités et des associations. Des bénévoles mais aussi des professionnels en capacité d’organiser et de coordonner les projets, d’assurer le montage juridique et financier des actions, de garantir la sécurité des publics accueillis. En tant qu’élus vous confiez des missions de service public à des structures d’éducation populaire : vous attendez légitimement que celles et ceux qui les pilotent soient professionnels et compétents.
Nous sommes étonnés que cette réforme se mettent insidieusement en place sans que vous y soyez associés. Les Conseils Régionaux n’ont-ils pas la compétences principale en matière de formation? Ne leur appartient-il pas de construire une offre adaptée aux particularités de leurs territoires, en lien avec les autres collectivités (départements, intercommunalités, communes), les associations et les organismes de formation ?
On en est là. La réforme de la formation professionnelle promulguée en 2018 trouve aujourd’hui sa déclinaison dans la rénovation des diplômes : la DRAJES annonce la fin des diplômes tels que nous les connaissons, pour l’ensemble de la filière animation, d’ici décembre 2023. Une mission de réécriture de l’ingénierie du BPJPEPS a été confiée à un cabinet privé. Conséquence : la notion de métier disparaît du cahier des charges, remplacée par des blocs de compétences généraux et généralistes. On en est là et on alerte autant sur la forme que sur le fond.
Qu’on se le dise, les diplômes du ministère sont définis par le ministère ! Alors que la compétence formation appartient aux Régions, un cabinet diligenté par l’État a réécrit tout seul le cahier des charges des diplômes. L’expertise du champ professionnel ? On ne vous demande pas votre avis. Les spécificités de l’animation et de l’éducation populaire ? La coconstruction ? L’approche du territoire ? La participation ? L’émancipation ? Mais de quoi parlez-vous donc ?
A rebours des référentiels de formation à partir desquels le secteur de l’animation n’a cessé de se professionnaliser, la rénovation des diplômes fait fi de l’expertise des acteurs de l’animation, de sa culture et de son histoire. Messieurs, Mesdames ; voici l’objectif, voici le calendrier. Adaptez-vous.
Sur le fond, la réforme des diplômes telle qu’elle est écrite aujourd’hui, semble fondamentalement vouloir créer des diplômes généralistes. Elle structure le BP en deux blocs de compétences et efface les spécificités de métiers construits pour répondre aux besoins des publics et des territoires (pour exemples : l’animation de la jeunesse n’a rien à voir avec l’animation dans un EHPAD ; l’animation en milieu rural ne se pense pas comme celle de la ville) ; elle gomme la notion de service au public en ne reconnaissant pas les engagements et les coopérations nécessaires pour construire des réponses pertinentes : elle oublie le service à la population et les projets de territoires.
La filière des diplômes est déclinée en CP/BP/DE et enfin DES. Les perspectives de la réforme font disparaître le DE, le diplôme permettant de coordonner les équipes et les projets. Restera aux structures deux solutions : confier à un BP ou un DES la mission de coordination. La filière professionnelle est amputée d’un maillon essentiel. Messieurs, Mesdames ; voici les nouveaux diplômes, voici comment penser. Adaptez-vous.
Le boulot pour assumer notre part dans la (trans)formation, nous l’avons fait
En tant qu’organisme de formation aux métiers de l’animation et de l’éducation populaire, nous avons toujours loyalement joué le jeu, nous adaptant aux réformes, conscients de la part d’efforts à fournir pour défendre le secteur et continuer sans relâche à le professionnaliser. Nous avons parfois dû batailler en interne de notre association, là où notre militantisme aurait pu nous rendre méfiants des institutions, des logiques de marché, des normes qualité et des comptes à rendre. Le boulot, nous l’avons fait, sans grincher, trop conscients de ce qui se joue pour les quelques deux cents stagiaires que nous accompagnons chaque année.
Ce travail nous ne l’avons pas fait seuls. Il n’aurait été possible sans une relation fidèle avec les structures, qui nous font confiance pour former leurs professionnels, qui nous sollicitent pour les accompagner dans leurs projets, qui accueillent stagiaires et apprentis, qui portent l’alternance avec nous, etc. Il n’aurait pas été possible sans des liens étroits et des coopérations avec d’autres organismes qui forment à des métiers connexes aux nôtres (travail social, éducation spécialisée, sport, etc.) Il n’aurait pas été possible sans la reconnaissance de notre expertise par les collectivités et leur engagement à construire avec nous des réponses pertinentes sur les territoires.
Là où nous en sommes : épuisés, en colère, inquiets
Alors qu’est-ce qui nous pousse à prendre la plume aujourd’hui et à tenter de mobiliser autour de nous ?
L’épuisement. La colère. L’inquiétude.
Épuisement de devoir faire et défaire sans cesse, sans perspective, sans possibilité de se projeter sur un temps long. Nous avons l’impression d’écrire un livre qui ne raconte pas d’histoire.
Épuisement face à un système désincarné et violent. Un système sans tête, qui nous épuise à ne pas nous dire qui pilote, quel est le tempo, comment on va travailler, de quoi on va pouvoir discuter… Si je ne sais pas à qui parler, je deviens fou. Nous ne saurions nous habituer à cette culture de l’incertitude, à cette forme de domination qui ne dit pas son nom. Mais dont on mesure la violence quand une plainte de stagiaire déclenche une procédure de contrôle en pleine pandémie de Covid-19… Alors que nous avons continué d’accueillir des stagiaires en présentiel, parce nous souhaitions sécuriser les parcours de formation. Nous nous sentions engagés, notamment vis-à-vis de femmes qui fondaient de grands espoirs d’émancipation par la formation, que le confinement venait réduire à néant. Ce n’est pas le combat qui nous épuise, nous y sommes rompus. C’est la bêtise d’un pays que nous appelons Absurdie !
Colère de n’avoir pas été associés à la (re)construction des diplômes. C’est quand même un comble ! Alors même que la coconstruction, l’approche du territoire, la participation, et l’émancipation jalonnent les référentiels, la méthode employée pour aboutir aux nouveaux diplômes fait tout le contraire. Vision étatique et centralisatrice (alors que la compétence formation appartient désormais aux Régions, non ?). Mépris de l’expertise du champ professionnel (à quel moment, selon quelles modalités, cette réforme s’appuie-t-elle un tant soit peu sur des remontées de terrain ?)
Colère qu’une mission aussi importante soit confiée à un cabinet extérieur. L’État a clairement fait le choix de sacrifier l’expertise de ses fonctionnaires et pour compenser ce manque, l’argent public sert à rémunérer des entreprises privées dont on peut se demander jusqu’à quel point elles sont garantes de l’intérêt général. Le fait même que les livrables ne soient pas rédigés par l’État interroge. Nous avons perdu une qualité de travail avec nos interlocuteurs de la DRAJES et nous le regrettons.
Colère, car sous couvert de laisser penser qu’on ne touche que la forme (réécriture), on s’attaque au fond (réingénierie). La finalité semble quand même fondamentalement de créer des diplômes généralistes, répondant donc plus à une logique de flexibilité des travailleurs sur le marché qu’à une logique de besoin en métiers et en compétences. Cette pirouette sur l’exercice de fond a toutes les apparences d’une diversion pour ne pas assumer qu’on touche fondamentalement aux métiers tels qu’ils se sont construits et tels qu’ils répondent à des finalités différentes (exemple : l’animation de la jeunesse sur un territoire n’a rien à voir avec l’animation dans un EHPAD).
Nous sommes indignés d’une réforme déconnectée du réel. Nous osons le dire, elle est une dépossession de ceux qui font vivre l’éducation populaire chaque jour. Reste à décider, collectivement, si nous collaborons à cette tromperie ?
Appel à la mobilisation
Nécessité de revoir cette réforme et ses modalités de mise en oeuvre
Sur au moins 4 points, cette réforme et ses modalités de mise en oeuvre supposent d’être revues :
- associer les Conseils Régionaux à la redéfinition de la filière des métiers de l’animation ;
- considérer et prendre en compte l’expertise des structures de terrain et des organismes de formation ;
- conserver la possibilité de décliner localement des diplômes correspondant aux besoins du territoire ;
- maintenir un diplôme intermédiaire de coordinateur (actuel DEJEPS).
Nous appelons à la mobilisation des 3 familles d’acteurs concernés :
- les élus des collectivités territoriales,
- les structures d’éducation populaire,
- les organismes de formation de l’animation et de l’éducation populaire.
Chacun à son niveau peut mobiliser et faire connaître les conséquences de cette réforme.
Chacun à son niveau peut interpeler l’État sur les incohérences et risques de cette réforme.
Chacun à son niveau peut se déclarer volontaire pour être associé à la mise en oeuvre de cette réforme.
L’éducation populaire forme et nourrit les citoyens.
L’éducation populaire fait vivre une démocratie en acte, concrète, quotidienne.
L’éducation populaire est le moteur autant que le ciment du vivre ensemble.
A chacun.e et à tous.tes d’y prendre sa part.
Vous pouvez adhérer à la mobilisation en signant cet appel et en le renvoyant :
Documents à signer :